Une ou des espèces humaines ?

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La transition de l'Homo habilis (le premier véritable être humain) à l'Homo sapiens (le dernier être humain... : nous) s'est réalisée en environ deux millions d'années. Selon les lieux de découvertes et les caractéristiques des fossiles, les scientifiques ont attribué divers noms : Homo ergaster, H. erectus, H. georgicus, H. antecessor, H. cepranensis, H. heidelbergensis, etc. - la dénomination la plus couramment utilisée est l'Homo erectus. À ce jour, nous ne connaissons pas encore avec exactitude lesquelles sont des espèces à part... et lesquelles sont des races de l'Homo erectus ; et les critères physiques (relativement superficiels) ne suffisent pas toujours pour trancher et établir avec certitude si un fossile découvert appartient à une race de la même espèce, ou à une autre espèce ! Par exemple, dans l'île de Flores, en Indonésie, ont été découverts les fossiles de l'Homo florescensis, un hominidé de petite taille, encore plus petit que les pygmées d'Afrique ; de là à dire que c'était une autre espèce ou une race de l'Homo erectus, ce n'est pas une mince affaire ! En fait, pour affirmer que des individus d'une espèce ont accompli le chemin de la spéciation (séparation d'une espèce en deux ou plusieurs), il faut être certain qu'ils se sont suffisamment éloignés génétiquement pour ne plus pouvoir se métisser durablement les uns avec les autres. Les tigres avec les lions, les chevaux avec les ânes, etc., peuvent avoir des descendants, mais ces derniers sont limités sur le plan reproductif ; en conséquence, ces espèces ne peuvent plus se mélanger correctement - on peut alors affirmer qu'ils ont accompli le chemin de la spéciation et ce sont des espèces différentes. Les loups avec les chiens, les races des vaches, les races des hommes (qui pour autant sont séparées par des dizaines voire des centaines de milliers d'années d'évolution) peuvent encore se métisser entièrement et durablement - donc ce sont des races et non pas des espèces différentes. Les scientifiques sont quasiment certains que l'Homo erectus est l'ancêtre de l'Homo heidelbergensis et que ce dernier est l'ancêtre de l'Homo neanderthalensis ; mais ils ne savaient pas encore avec certitude si c'est l'Homo erectus ou l'Homo heidelbergensis qui est l'ancêtre direct de l'Homo sapiens. Et peut-être même que tous ces hominidés furent toujours compatibles génétiquement et que nous (l'Homo sapiens) sommes issus des multiples métissages entre des races évoluées dans différentes régions du monde. D'ailleurs, c'est l'hypothèse (que je soutiens) la plus probable : à partir de l'apparition de l'Homo habilis, il n'y a jamais eu plusieurs espèces humaines, il y a eu d'innombrables races, mais elles étaient toujours suffisamment proches génétiquement pour que le métissage soit possible.

Voici pourquoi je soutiens l'hypothèse de multiples races d'une même espèce : les grands mammifères - qui commencent à mettre bas à l'âge d'environ deux ans - tels que les moutons, les cochons, les lions, les ours, les chevaux, les vaches, les cerfs... nécessitent, en des conditions ordinaires, au moins quelques dizaines de milliers d'années de séparation absolue (séparation totale, sans aucun contact avec les autres) pour qu'ils puissent accomplir le chemin de la spéciation ! Par conséquent, pour l'être humain - qui commence à se reproduire à l'âge d'environ 15 ans - il faudra au minimum quelques centaines de milliers d'années de séparation absolue pour accomplir le chemin de la spéciation ! Mais l'être humain - bipède, intelligent, opportuniste... - est une des créatures qui migrent le plus... et qui peuvent facilement parcourir des centaines, voire des milliers de kilomètres par génération ! Puis, les deux derniers millions d'années furent très mouvementés, avec de nombreux changements climatiques et de nombreux migrations animales ; il est donc très probable que nos ancêtres aient également migré très souvent. Ne serait-ce que durant les 2 000 ans de notre ère, il y a eu une multitude de migrations (les Grecs, les Turcs, les Mongols, les Huns, les Goths, les Vandales, les Francs, les Normands, les Bantous...) avec des peuples qui se sont déplacés sur plusieurs milliers de kilomètres en peu de temps... Il ne faut pas croire que l'homme préhistorique n'était pas capable de se déplacer sur de très longues distances, même s'il le faisait un peu moins souvent. Chaque race s'est adaptée à son environnement et il y a probablement eu des séparations de quelques milliers d'années voire de dizaines de milliers d'années ; mais pas de séparations vraiment absolues ! Par exemple, la mer Méditerranée a constitué une barrière naturelle entre la race des noirs d'Afrique et la race des néandertaliens d'Europe, mais au Moyen-Orient il y eut systématiquement des métissages... même si beaucoup trop peu pour uniformiser ces races. Puis, ailleurs, il y eut encore plus de métissages - car c'est la mer Méditerranée qui fut la plus grande barrière naturelle entre les races humaines durant toute l'évolution de notre espèce jusqu'à l'Homo sapiens moderne (l'Amérique, l'Australie, les îles... ne furent colonisées que récemment, par l'Homo sapiens moderne).

Entre les années 800 000 et 200 000 l'Homo heidelbergensis vivait en Europe, en Afrique du Nord et dans une bonne partie de l'Asie ; son descendant direct, l'Homo neanderthalensis a disparu il y a environ 25 000 ans. Des recherches génétiques récentes avancent qu'un petit pourcentage de nos gènes pourrait provenir de l'homme de Néandertal. Donc il est fort probable que l'Homo neanderthalensis (ayant un cerveau dépassant les 1 500 cm3) ait été exterminé par l'Homo sapiens (ayant un cerveau de « seulement » 1 400 cm3 !) - toutefois, le rapport poids du cerveau / poids du corps fut légèrement plus élevé chez l'Homo sapiens. Mais, entre-temps ont également eu lieu des métissages. Évidemment, la quantité ce n'est pas tout, et le volume plus élevé d'un cerveau ne traduit pas forcément une intelligence supérieure, mais pas inférieure non plus !

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Vous êtes nombreux à faire l'amalgame « civilisation = intelligence » et à croire que l'homme d'aujourd'hui est le plus intelligent de tous les temps. Je suis désolé de vous l'apprendre, mais l'intelligence de l'espèce humaine a déjà commencé son déclin ! L'homme de la préhistoire était en moyenne plus intelligent que l'homme moderne - évidemment, que l'on parle ici de la moyenne (car des gens très intelligents existent encore) et on parle bien de l'homme de la fin de la préhistoire (celui qui a exterminé de nombreuses espèces et qui a éliminé tous ses rivaux) et non pas de celui du début de la préhistoire (qui était plutôt une proie fragile).

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Extrait de l'ouvrage L'évolution de la vie sur terre